La musique est la langue des émotions, disait Emmanuel Kant. Et de par le monde la musique est un élément important dans de nombreuses cultures.
Bien que les musiques du monde ne partagent pas toutes les mêmes origines, pratiques et finalités, il semble que plusieurs caractéristiques universelles les lient.
En effet, une nouvelle recherche soutient l’idée que la musique du monde entier partage des points communs importants, en dépit de nombreuses différences.
La musique est-elle vraiment un langage universel ?
Deux études publiées le 22 novembre 2019 dans la revue Science viennent bousculer l’univers de la musicologie et plus particulièrement de l’ethnomusicologie.
Les articles, Universality and diversity in human song et The world in a song, soutiennent l’idée que la musique dans le monde entier partage des points communs importants.
La première publication concerne des chercheurs de l’Université de Harvard (États-Unis) qui ont entrepris une analyse à grande échelle de la musique provenant de cultures du monde entier.
La deuxième, des biologistes du Département de Biologie Cognitive de l’Université de Vienne (Autriche) suggèrent que la musicalité humaine unit toutes les cultures de la planète.
Au delà de l’universalité
C’est une réalité, les nombreux styles musicaux du monde sont différents.
Cependant, les différences seraient superficielles, bien que les spécialistes de la musique soient souvent sceptiques quant au fait que les musiques partagent d’importantes caractéristiques communes.
En effet, il n’est pas rare qu’en ethnomusicologie, l’on considère la mondialité de la musique comme insignifiante.
De la sorte, ces nouvelles recherches relancent le sujet des aspects universels profonds de la musicalité humaine.
Les chercheurs ont constaté que toutes les cultures étudiées font de la musique et utilisent des types de musique similaires dans des contextes similaires, avec des caractéristiques cohérentes dans chaque cas.
Parmi les exemples, les auteurs expliquent que la musique de danse est rapide et rythmée, et les berceuses sont douces et lentes, partout dans le monde.
De plus, toutes les cultures ont fait preuve de tonalité. Elles sont toutes constituées de petits sous-ensembles de notes à partir de notes de base, comme dans l’échelle diatonique occidentale.
D’autre part, ils remarquent quelques différences, comme dans les chansons de guérison (musiques chamaniques), qui ont tendance à utiliser moins de notes et de manière plus espacées, que les chansons d’amour.
Notons que ces nouvelles études ainsi que de précédentes découvertes indiquent qu’il existe effectivement des propriétés universelles de la musique. Celles-ci reflèteraient probablement des points communs plus profonds de la cognition humaine, que l’on pourrait considérer comme une musicalité humaine fondamentale.
D’après les auteurs, la musicalité humaine repose fondamentalement sur un petit nombre de piliers fixes.
Ces fondements correspondent à des prédispositions codées en dur qui sont fournies par l’ancienne infrastructure physiologique de notre biologie commune.
Les chercheurs précisent que, “ces bases communes sont ensuite assaisonnées avec les spécificités de chaque culture”, ce qui fait que nous retrouvons un large assortiment dans les musiques du monde.
De nouvelles informations sur la biologie cognitive
Ces recherches ressuscitent un vif intérêt pour un domaine d’étude captivant, dont les bases ont été mises au point par le psychologue et philosophe allemand Carl Stumpf au début du XXe siècle.
Baigné dans la musique, la médecine et les sciences dès l’enfance, ce musicologue, théoricien de la musique et ethnomusicologue, est notamment connu pour ses travaux sur la perception auditive et sa théorie des émotions.
Enfin, à mesure que l’humanité se rapproche (malgré tout), la volonté de comprendre ce que nous avons tous en commun dans tous les aspects du comportement et de la culture s’amplifie.
Les conclusions de ces articles de recherche offrent un moyen excitant de traiter des problèmes séculaires de la musicologie, en présentant des perspectives profondes, sur les piliers universels psychologiques présumés qui sous-tendent les diverses musiques créées et appréciées par les humains.
“Une compréhension plus approfondie de ceux-ci, tant au niveau cognitif que neural, offrirait de nouvelles informations riches sur la biologie cognitive de notre espèce”, concluent les auteurs.
© Jimmy Braun – Novembre 2019
Sources
Samuel A. Mehr, Manvir Singh, Dean Knox, Daniel M. Ketter, Daniel Pickens-Jones, S. Atwood, Christopher Lucas, Nori Jacoby, Alena A. Egner, Erin J. Hopkins, Rhea M. Howard, Joshua K. Hartshorne, Mariela V. Jennings, Jan Simson, Constance M. Bainbridge, Steven Pinker, Timothy J. O’Donnell, Max M. Krasnow, Luke Glowacki. Universality and diversity in human song. Science, 2019; 366 (6468): eaax0868, https://science.sciencemag.org/content/366/6468/eaax0868
W. Tecumseh Fitch, Tudor Popescu. The world in a song. Science, 2019; 366 (6468): 944-945, https://science.sciencemag.org/content/366/6468/944
Photos © Zachary Nelson ; Priscilla Du Preez ; William Recinos ; Mack Fox (MusicFox) ; Maaria Lohiya