La science sait déjà que le cerveau d’un musicien est différent de celui d’un non-musicien, et que d’écouter de la musique influence la dépression et en jouer peut protéger la santé du cerveau. Mais beaucoup de choses restent encore à découvrir.
Faire de la musique nécessite un jeu de capacités qui se reflète également dans des structures cérébrales plus développées. Les scientifiques ont découvert que ces capacités sont intégrées de façon beaucoup plus fine que prévue. L’activité cérébrale des pianistes de jazz diffère de celle des pianistes classiques, même lorsqu’ils jouent le même morceau de musique.
Activité cérébrale des pianistes
Les scientifiques de l’Institut Max Planck du département sciences cognitives et cérébrales humaines (MPI CBS, Allemagne) ont récemment découvert que ces capacités sont intégrées de manière beaucoup plus fine que ce que l’on pensait auparavant – et diffèrent même selon le style de la musique.
Les chercheurs ont observé que l’activité cérébrale des pianistes de jazz diffère de celle des pianistes classiques, même lorsqu’ils jouent le même morceau de musique. Cela pourrait donner un aperçu des processus qui se déroulent généralement en faisant de la musique et qui sont spécifiques à certains styles.
Par exemple, le pianiste de jazz mondialement connu Keith Jarret, a une fois répondu à une interview lorsqu’on lui a demandé s’il aimerait un concert où il jouerait du jazz et de la musique classique : “Non, c’est hilarant. […] C’est comme une chose choisie, pratiquement impossible à contrôler […]. C’est à cause des circuits de notre système qui exige des circuits différents pour l’une ou l’autre de ces deux choses.”
Lorsque les non-spécialistes ont tendance à penser qu’ils ne devraient pas être trop difficiles pour un musicien professionnel de passer d’un style de musique à un autre, comme le jazz ou le classique, ce n’est pas aussi facile que cela.
Pourquoi ?
La raison pourrait être due aux différentes exigences que ces deux styles imposent aux musiciens – que ce soit pour interpréter habilement une pièce classique ou pour improviser de façon créative dans le jazz, de sorte que différentes procédures ont pu s’établir dans leur cerveau tout en jouant du piano.
En effet, une distinction cruciale entre les deux groupes de musiciens est la façon dont ils planifient les mouvements tout en jouant du piano. Quel que soit le style, les pianistes doivent en principe d’abord savoir ce qu’ils vont jouer. C’est-à-dire les touches qu’ils doivent enfoncer, et ensuite, comment jouer, c-à-d les doigts qu’ils doivent utiliser. C’est la pondération des deux étapes de planification, qui est influencée par le genre de la musique.
D’après cela, les pianistes classiques concentrent leur jeu sur la deuxième étape, sur le “Comment”. Pour eux, il s’agit de jouer des pièces parfaitement en ce qui concerne leur technique et en ajoutant une expression personnelle. Par conséquent, le choix du doigté est crucial. D’autre part, les pianistes de jazz se concentrent sur le « Quoi ». Ils sont toujours prêts à improviser et à adapter leur jeu pour créer des harmonies inattendues.
Effectivement, chez les pianistes de jazz, les chercheurs ont trouvé des preuves neurales de cette flexibilité dans la planification des harmonies en jouant du piano. Quand les chercheurs leur ont demandé de jouer un accord harmoniquement inattendu dans une progression d’accords standard, leur cerveau a commencé à replanter les actions plus rapidement que les pianistes classiques, ce qui leur a permis de mieux réagir et de continuer leur performance.
Fait intéressant, les pianistes classiques ont obtenu de meilleurs résultats que les autres en matière de doigté inhabituel. Dans ces cas, leur cerveau a montré une plus grande conscience du doigté, et par conséquent ils ont fait moins d’erreurs tout en imitant la séquence d’accords.
Une étude basée sur 30 cerveaux de musiciens
Pour cette étude, les scientifiques ont étudié ces relations chez 30 pianistes professionnels. La moitié d’entre eux étaient spécialisés dans le jazz depuis au moins deux ans, l’autre moitié avait une formation classique. Tous les pianistes ont pu voir une main sur un écran qui jouait une séquence d’accords sur un piano parsemé d’erreurs dans les harmonies et le doigté.
Les pianistes professionnels ont dû imiter cette main et réagir en conséquence aux irrégularités tandis que leurs signaux cérébraux étaient enregistrés avec des capteurs EEG (Electroencéphalographie) sur la tête. Pour s’assurer qu’il n’y avait pas d’autres signaux perturbateurs, par exemple un son acoustique, toute l’expérience a été réalisée en silence à l’aide d’un piano en sourdine.
Pour conclure, grâce à cette étude, les chercheurs ont découvert comment précisément le cerveau s’adapte aux exigences de l’environnement. Il est également clair qu’il ne suffit pas de se concentrer sur un seul genre de musique si l’on veut bien comprendre ce qui se passe dans le cerveau quand on joue de la musique – comme cela a été fait jusqu’à présent en étudiant la musique classique occidentale.
Pour obtenir une image plus grande, les scientifiques doivent rechercher le plus petit dénominateur commun de plusieurs genres. D’une façon similaire à la recherche en linguistique, afin de reconnaître les mécanismes universels de traitement de la langue, les chercheurs ne peuvent pas se limiter à la recherche sur une seule langue.
© Jimmy Braun – Janvier 2018
Sources externes
“Musical genre-dependent behavioural and EEG signatures of action planning. A comparison between classical and jazz pianists.”, NeuroImage, 2018; http://www.cbs.mpg.de/brains-of-jazz-and-classical-pianists-work-differently, 169: 383 DOI: 10.1016/j.neuroimage.2017.12.058